« Il ne faut pas se leurrer : on est en présence d’un mouvement bien déterminé. Autrefois, au concile de Constantinople, l’esprit a été éliminé, on a institué un dogme : l’homme n’est fait que d’une âme et d’un corps, et parler de l’esprit devint une hérésie. On aspirera sous une autre forme à éliminer l’âme, la vie de l’âme. Et ce temps viendra, dans un avenir pas très lointain, où l’on dira: parler d’esprit et d’âme, c’est pathologique; seuls sont bien portants les gens qui ne parlent que du corps. On considérera comme un symptôme pathologique le fait qu’un être humain se développe d’une façon telle qu’il en vienne à penser qu’il existe un esprit et une âme. Ces gens seront considérés comme des malades, et l’on trouvera, soyez-en sûrs, le remède qui agira sur ce mal. Dans le passé, on a éliminé l’esprit (la foi dans un principe spirituel individuel). On éliminera l’âme au moyen d’un médicament. En partant d’une « saine vue des choses », on trouvera un vaccin grâce auquel l’organisme sera traité dès la prime jeunesse, autant que possible, si possible dès la naissance même, afin que le corps n’en vienne pas à penser qu’il existe une âme et un esprit. Les deux courants, les deux conceptions du monde s’opposeront radicalement. L’une réfléchira à la manière d’élaborer des concepts et des représentations qui soient à la mesure de la réalité véritable, de la réalité d’âme et d’esprit. Les autres, les successeurs des actuels matérialistes, chercheront le vaccin qui rendra les corps « sains », c’est-à-dire constitués de telle façon qu’ils ne parleront plus de ces « sottises » que sont l’âme et l’esprit, mais, parce qu’ils sont « sains », ils parleront des forces mécaniques et chimiques qui, à partir de la nébuleuse cosmique, ont constitué les planètes et le soleil. On obtiendra ce résultat en manipulant les corps. On confiera aux médecins matérialistes le soin de débarrasser l’humanité des âmes. »
Rudolf Steiner, conférence du 7 octobre 1917, La Chute des esprits des ténèbres, Éditions Triades